La gestion du temps en classe

temps en classe

Être prof, c’est passer beaucoup de temps à bien organiser… le temps. Celui dans la classe et celui en dehors de la classe.

Commençons par le temps du cours. Tu disposes de 55 minutes par cours. Durant ces 55 minutes, il te faut mener une séance, c’est-à-dire une unité d’enseignement. Cela signifie que tu vas avoir l’œil sur ta montre très régulièrement, afin de « faire tenir » ce que tu avais prévu dans ces 55 minutes. Pour y parvenir, il y a deux facteurs prépondérants : la préparation (qui doit tenir compte du temps alloué, donc ni trop ni trop peu de contenu) et l’organisation pédagogique de la séance. Un travail à faire en groupe, par exemple, prend plus de temps qu’un travail fait individuellement (à cause des discussions entre élèves sur la validité de telle ou telle réponse, telle ou telle procédure à mettre en œuvre, etc.).

La didactique est le maître du temps en cours

La gestion du temps en classe relève presque totalement de la didactique. La densité du contenu, la démarche suivie, le type de supports utilisés, mais aussi le profil de la classe, le moment de l’année où la séance intervient et même sa place dans la séquence, tout entre en ligne de compte. On sait par exemple que les séances situées la semaine précédant les vacances sont plus difficiles, car les élèves sont à la fois fatigués et excités. Mieux vaut donc prévoir des séances « allégées » durant ces périodes. A l’inverse, juste après une rentrée, on peut plus facilement densifier les contenus car les élèves sont censés être reposés. Dans le même esprit, une classe présentant de nombreux élèves en difficulté et/ou perturbateurs ne pourra pas avoir le même rythme qu’une autre où tout le monde maitrise parfaitement les prérequis et/ou se tient sage comme une image.

Au début on a tous tendance à « charger la mule », c’est-à-dire à prévoir trop de contenus et d’activités pour une séance. On veut « finir le programme » à tous prix et on mesure mal la capacité d’attention et de production des élèves, ce qui est tout à fait normal : cette appréciation ne vient qu’avec l’expérience. La difficulté consiste donc à trouver l’équilibre entre un nombre d’activités suffisant (pour éviter les temps morts, source de dérives comportementales chez les élèves) et une surcharge tout aussi préjudiciable : si ça va trop vite ou qu’on leur en demande trop, les élèves « décrochent » rapidement.

D’une classe à l’autre, le rythme peut être complètement différent. Telle seconde docile et attentive pourra « boucler » une dizaine de séances en un mois, tandis que telle autre mettra deux mois pour parvenir au même résultat. C’est pourquoi il est vain de croire qu’on peut préparer tous ses cours en amont (durant les vacances) : il y aura forcément des ajustements à faire en cours de séquence. On peut néanmoins préparer une trame de la (ou des) séquence(s) à venir, mais en sachant qu’elle ne doit pas être gravé dans le marbre, et que certaines séances « sauteront » ou que d’autres seront à ajouter.

Le temps des élèves n’est pas celui du prof

De plus, dans ces 55 minutes, tu dois impérativement retrancher au moins 10 minutes : le temps que les élèves s’installent, les interruptions inévitables (y compris questions des élèves et les réponses plus ou moins développées que tu vas y apporter), le temps dévolu à l’écriture des devoirs, et les éventuels recadrages de discipline. Dix minutes, c’est vraiment le minimum. Dans des classes agitées ou de niveau vraiment faible, retranche facilement vingt minutes. Dans ce cas prépare donc un cours de 35 minutes seulement.

De même, selon le niveau dans lequel à lieu la séance, le temps dévolu aux tâches telles que coller une photocopie, se mettre en groupe, sortir le manuel, préparer une copie, comprendre une consigne, va considérablement différer. En 6e, les élèves peuvent mettre jusqu’à dix minutes à coller – correctement – une photocopie (que tous l’aient fait correctement, s’entend). En Première, ce ne sera évidemment pas le cas. De même en 5e, pour copier une leçon de dix lignes, les élèves peuvent avoir besoin d’un bon quart d’heure (surtout si tu exiges – et il faut l’exiger ! – qu’il n’y ait aucune erreur de copie). Donc, en gros, plus tu enseignes dans des niveaux « élevés », moins tu auras besoin de consacrer beaucoup de temps à ces mises en place, et plus tu pourras te concentrer sur le contenu. Mais ne crois surtout pas que ces temps de « mise en place » soient superflus : ils constituent un apprentissage au même titre que la Guerre de Cent ans ou le théorème de Thalès. En gros, jusqu’à la fin de 4e, ils vont ne pas aller de soi en dix secondes. Il faudra donc penser au temps que cela prend. A partir de la 3e, grosso modo, on commence à pouvoir faire des séances de 45 minutes pleines (sans compter les questions et autres interruptions).

Une fois ces paramètres bien en tête, en imaginant qu’on ait préparé quelque chose qui tienne la route en 35 ou 45 mn (ce qui n’est déjà pas évident), reste la question de la réception par les élèves de ton superbe travail. Outre les facteurs ralentissants que peuvent être une fin de trimestre, une grosse chaleur ou un orage, le cours d’EPS juste avant, la sortie pédagogique juste après, ou encore le changement d’heure (pour n’en citer que quelques-uns), la bonne conduite de ta séance – dans le temps – va aussi dépendre du niveau de ta classe, c’est-à-dire des prérequis sur lesquels tu peux t’appuyer.

Prendre le temps de revenir en arrière…

Imaginons par exemple que tu as prévu un cours sur la poésie lyrique du XVIe siècle. Si tes élèves ne savent pas situer le XVIe siècle (ne ris pas, ça arrive), ne savent pas différencier une allitération d’une hyperbole, n’ont aucune idée de métrique ni de ce que peut vouloir dire « aube » (ne ris pas, c’est fréquent), tu comprends bien que tu vas devoir revoir toutes ces notions AVANT de pouvoir réellement entrer dans le vif du sujet. On est toujours surpris, en début de carrière, par l’ignorance – académique – des élèves. On peut aussi avoir de belles surprises !

Mais quand on débute, on vient de passer des années à manier dans tous les sens les notions de notre belle discipline, et appréhender l’écart qui existe entre notre propre bagage et celui de nos élèves n’est pas simple (surtout en collège, mais aussi en lycée professionnel, et, de plus en plus, dans les lycées polyvalents). Même après des décennies d’enseignement, on demeure fréquemment bouche bée devant tout ce qu’ils ne savent pas. Ce n’est pas (j’insiste) que nos élèves d’aujourd’hui soient moins intelligents ou performants que ceux de notre époque juvénile, c’est que TOUT a changé. Il y a là un très vaste débat dans lequel je ne veux pas m’engager. Mais l’idée à retenir, c’est qu’il faut vraiment vérifier les connaissances sur lesquelles on va pouvoir s’appuyer, tout en sachant que celles-ci seront inégales puisque les classes sont hétérogènes. C’est la raison pour laquelle on va toujours du plus simple au plus compliqué, et qu’on fonctionne de manière spiralaire (en revoyant les notions abordées plusieurs fois dans l’année, mais aussi chaque année).

Donc, pour bien gérer le temps d’un cours, il est préférable de savoir sur quelles bases on peut s’appuyer (par un test diagnostic en début d’année, par exemple). Si on est obligé de revoir un prérequis en détail, il ne faut pas hésiter à le faire. Tout le monde ne partage pas ce point de vue. Certains profs estiment que ça doit être su, point barre. Ils avancent coûte que coûte, même si seulement trois ou quatre élèves parviennent à suivre. Chacun sa vision de l’enseignement… Mais le fait est qu’une classe qui ne sait pas conjuguer un verbe au passé simple ou qui a du mal avec l’emplacement de la Chine ne tirera que peu de profit d’un cours qui fait l’impasse sur ces notions pour aborder les temps du récit ou le commerce asiatique.

Du coup, si on adopte la posture qui consiste à ne « laisser personne sur le bord du chemin », on passe pas mal de temps à revoir des notions qui devraient être acquises, et on n’avance pas aussi vite que l’on espérait. La différenciation aide à limiter l’ennui des plus rapides/attentifs/doués/dotés d’une bonne mémoire/issus de milieux favorisés/ ajoutez ce que vous voulez, mais on n’a pas toujours prévu de quoi les occuper si on est obligé de revoir quelque chose de vraiment inattendu. Dans ce cas, il est bien évident que la séance ne sera pas bouclée dans le temps imparti des 55 minutes. Est-ce un drame ? La réponse va fluctuer en fonction des inspecteurs. Certains pensent que oui, d’autres que non : il semble qu’il n’y ait pas consensus en la matière. Dans ce doute existentiel (sauf si on a déjà rencontré son inspecteur, ou qu’on a décidé de lui écrire pour lui poser la question franchement), on ménage donc la chèvre et le chou : on essaye de boucler la séance, en élaguant, en remodelant la suivante, en passant vite sur certains aspects, mais sans non plus faire n’importe quoi, et encore moins en fonçant à toute vitesse sur le dernier quart d’heure pour rattraper « le temps perdu » (qui n’a rien de perdu, bien au contraire).

Mon conseil sera donc le suivant : en cas d’arrêt inopiné pour cause de prérequis non assimilé, on respire profondément, on évalue en quelques secondes ce qu’on pourra caser jusqu’à la fin de l’heure, on modifie la séance en conséquence (dans sa tête) et on poursuit calmement. L’idée est qu’une cohérence demeure. Ainsi, si tu as prévu, par exemple, de faire cinq exercices en classe (et d’en donner autant à la maison), tu revois tes ambitions à la baisse : deux seulement seront faits en classe, et cinq à la maison (ce n’est qu’un ordre d’idée). Il n’y aura pas mort d’homme. Quitte à revenir sur les exercices manquants en début de séance suivante, après la correction de ceux faits à la maison, pour consolider. Hop, petit tour de passe-passe auquel les élèves ne verront rien, qui sauve la cohérence et la continuité de ta séquence. Ceci impliquera bien évidemment que tu modifies le contenu de la séance suivante, et donc DES suivantes. Ce sont là les fameux réajustements dont je te parlais au début de ce chapitre. Ils n’auront pas lieu que pour des révisions inopinées, mais aussi pour des tas d’autres motifs (élève qui perturbe trop le cours, alerte incendie, interruption de la vie scolaire pour distribution de note d’information aux parents, questions pertinentes sur lesquelles tu auras envie de digresser longuement, etc).

Trouver le juste tempo

Donc, pour ne pas perdre de temps inutilement, contente-toi d’une trame pour chaque séquence et pour chaque séance, et ne t’embourbe pas dans un cours préparé à la seconde près. Cela serait contre-productif. Garde un œil sur ta montre pour voir à quel rythme ça avance, et agit en conséquence. Cela n’empêche pas, de temps à autre, de houspiller tes troupes pour qu’elles augmentent un peu la cadence (en leur rappelant qu’il leur reste tant de minutes pour finir l’activité), mais si tu es sans arrêt en train de leur demander d’accélérer, c’est qu’il y a un problème : tu vas trop vite, tes exigences ne sont pas en adéquation avec les capacités des élèves.

A l’inverse, ne tombe pas dans un excès de lenteur ! Une jeune titulaire en lycée témoignait ainsi dernièrement de son désarroi : arrivée en avril, elle n’avait abordé que deux sujets d’étude (au lieu de 5 ou 6). Il est bien évident qu’il ne faut pas non plus passer tout son temps à attendre que les élèves aient parfaitement assimilé chaque notion que tu leur enseignes, car tu peux y passer des années ! Le juste milieu s’impose. Il n’est pas facile à trouver d’emblée, mais au bout d’un an ou deux, on y arrive sans problème.

Un outil très pratique et très basique pour t’aider à bien gérer ton temps de cours est… un agenda. Il en existe de multiples sortes mais je t’avoue que ma préférence va à ceux, bien épais, sur lesquels on dispose d’une page entière pour chaque jour (format A6). Ainsi, j’écris sur la page du lundi ce que j’ai prévu de faire avec chaque classe. Et sur la page du mardi, pour les classes que je revois, je note ce qu’il reste à faire, le cas échéant, et ce que je peux commencer. Idem pour les autres classes sur les autres jours. L’usage du crayon à papier s’avère alors extrêmement utile pour gommer et rectifier le bel agencement de départ.

Par ailleurs, l’utilisation d’un agenda simplifie grandement la vie du prof : on y note évidemment les réunions, les rendez-vous avec les parents, les papiers à remettre (en tant que prof principal), les élèves qu’on n’a pas eu le temps d’interroger, la constitution des groupes ponctuels, le devoir en retard de tel élève à récupérer (sinon on risque d’oublier), etc. On gagne beaucoup de temps à avoir ainsi sur un seul objet toutes les informations indispensables, trop nombreuses pour qu’on les retienne toutes. L’agenda peut être électronique ou papier, peu importe, l’essentiel étant qu’il puisse être modifié régulièrement (car ce sera le cas).

Un dernier mot sur le temps en classe : certains profs corrigent les copies d’une autre classe pendant que leurs élèves planchent sur un sujet d’étude. C’est possible si on n’est pas obligé de faire « la police », c’est-à-dire de surveiller que personne ne triche ou ne s’amuse à autre chose. C’est bien plus possible en lycée qu’en collège, mais pas toujours : tout dépend du type de classe. Enfin, c’est inenvisageable si l’on pratique l’évaluation différenciée ou accompagnée (en aidant les élèves en difficulté par diverses ressources), et encore moins si l’on a des élèves qui posent beaucoup de questions (sur les consignes, sur ce qu’ils ont le droit de faire ou non, sur la longueur du texte à écrire, sur l’orthographe d’un mot, sur le sens du document à traiter, etc). Ne compte donc pas trop sur ces temps de silence -relatif – pour en gagner. Mais dans certains établissements, cela ne pose aucun problème !

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