Parents et travail scolaire : le calvaire des devoirs

Le parent d’élève n’a pas toujours la même notion que toi du travail scolaire. En effet, s’il te semble évident que « faire l’exercice 4 p.32 » signifie en réalité « étudier la leçon, puis réfléchir à la consigne de l’exercice 4 p.32 en vertu de ladite leçon, puis réaliser l’exercice en question en s’appuyant sur la leçon, quitte à y revenir 20 fois, en usant de ses connaissances préalablement acquises et en faisant usage de son cerveau », ça ne l’est pas pour tout le monde. Pour peu que le gamin se soit enfermé une heure dans sa chambre, le parent sera totalement de bonne foi quand il clamera que son enfant « travaille ». Par conséquent, il te verra comme une gorgone quand tu fronceras le sourcil et déclarera que ce cher petit Victor « ne fournit pas assez de travail personnel ». Simplement pour une erreur d’interprétation, c’est ballot. Mieux vaut donc expliquer aux parents (surtout dans les zones défavorisées) le B-A-BA de la culture scolaire. Ne ris pas, ô fougueux aspirant prof. Si tu veux ménager tes nerfs, ta réputation et ta carrière, mieux vaut quelques explications de texte que d’innombrables pugilats. Tu t’attacheras donc à dire :

  • que tout travail personnel doit prendre appui sur ce qui a été vu en cours (sauf si tu pratiques la classe inversée, voir rubrique « numérique »),
  • que bien souvent un « j’ai rien compris » signifie « je n’ai pas été concentré »,
  • que relire une consigne – même plusieurs fois – pour en saisir tout le sens n’est pas interdit,
  • que revoir le cours régulièrement signifie après chaque cours, ou au moins une fois par semaine,
  • que faire une recherche ne se limite pas à recopier le contenu d’un article de wikipédia,
  • que faire les devoirs à la place du gamin c’est tout sauf l’aider (car on n’est jamais dupes, et pendant ce temps-là l’élève ne progresse pas),
  • qu’apprendre une leçon signifie la comprendre et savoir l’utiliser (non, ce n’est pas évident pour tout le monde), etc.

parentsTu peux le mettre par écrit et le donner à signer aux parents en début d’année. Il n’est pas certain qu’ils liront ton pavé, mais au moins tu auras la conscience tranquille.

Au collège et a fortiori au lycée, les élèves sont plutôt grands et ont l’air dégourdis. Ils réparent l’ordinateur familial, la ramène sur les questions politiques et font bruyamment sentir leurs désaccords. C’est pourquoi, de nos jours, beaucoup de parents les confondent avec des adultes. Cela donne lieu à des discussions parfois hallucinantes, du type : – Votre fils ne travaille pas du tout assez, il n’aura jamais son bac/son brevet s’il ne réagit pas tout de suite. – Oui, je sais, il ne veut jamais faire ses devoirs, mais qu’est-ce que j’y peux ?

Le plus souvent, si c’est dit avec un air las/désespéré/fataliste, ce n’est pas une question rhétorique. Le nouveau parent ne sait pas comment on serre la vis à un gamin. Soit parce qu’il a une peur viscérale que le trésor de ses entrailles ne l’aime plus (je ne plaisante pas), soit parce qu’il estime que c’est ton job, et qu’il est trop fatigué le soir pour te suppléer (alors que toi tu te la coules douce, puisque tu ne bosses qu’à peine 20 heures par semaine… CQFD). Ce n’est pas pour rien que notre ministère n’est plus celui de l’Instruction publique, mais celui de l’Education nationale. Il te reviendra donc, dans ce type de cas de figure, de faire l’inventaire des mesures de rétorsion réputées efficaces pour remettre au boulot un ado (par essence rétif à l’effort scolaire) : plus de télé dans la chambre ; obligation de montrer le fruit de son labeur à l’instance parentale, assortie d’une obligation de recommencer si ce n’est pas satisfaisant ; extinction des feux à une heure décente (faute de sommeil suffisant, nombreux sont les ados incapables de se concentrer) ; suppression de sorties convoitées ; et si cela ne suffit pas, on passe aux armes de motivation massives : suppression de la console et/ou du smartphone, jusqu’à obtention de résultats corrects aux évaluations (et pas seulement en EPS).

A ce stade, il faut que je te prévienne de deux choses :

  • Ce n’est pas parce que tu prodigues ces bons conseils qu’ils seront suivis d’effet. Le parent harassé par sa journée de dur labeur aura du mal à tenir bon face à l’adolescent, plein de sève et de fureur, qui réclame son objet fétiche. Il se peut donc qu’il lâche l’affaire au bout de 24 heures, pour regarder sa série, peinard. Mais il est des parents qui tiennent assez longtemps face aux vociférations et menaces de suicide de leur progéniture, et qui s’en félicitent au bulletin suivant.
  • Dans certains cas, toutes ces mesures auront déjà été déployées. En vain. Et là, personne n’y peut rien, sauf peut-être un psychologue.

Si tu habites non loin de ton établissement d’exercice, tu rencontreras les parents d’élève au supermarché, dans la rue, à la sortie de l’école de tes propres enfants, chez le médecin, etc. Il va de soi que de cordiales salutations sont de mise, et qu’en aucun cas tu ne peux refuser un petit entretien au pied levé. Souvent, il y est question des devoirs et de la difficulté immense à faire bosser le chérubin. C’est la raison pour laquelle beaucoup de profs préfèrent vivre dans une ville adjacente ou au moins à une vingtaine de kilomètres de l’établissement : conserver un peu de vie privée et définir une limite à son temps de travail s’avère en effet nécessaire pour ne pas sombrer dans la paranoïa/le burnout/l’exaspération.

 

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