Le chef d’établissement, l’adjoint-e et l’intendant-e

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Trois personnes composent l’équipe de direction d’un établissement du secondaire : le/la principal-e (en collège) ou proviseur-e (lycée), l’adjoint-e, et l’intendant-e.

Tu es sous la responsabilité directe du principal ou proviseur, pour tout sauf tes pratiques pédagogiques. Celles-ci relèvent de la compétence de ton inspecteur-trice, qui est ton « big chef ».

Comme dans toute entreprise, les évaluations ont une incidence sur la carrière. La notation administrative, effectuée par le chef d’établissement, a disparu mais désormais ce dernier assiste aux inspections (dénommées rendez-vous de carrière depuis la rentrée 2017) et rédige un avis sur le compte-rendu de cette dernière. Jusqu’ici, le chef mettait une note chaque année, correspondant à cinq ou six critères, dont le fameux « rayonnement » (notion plus que floue). Avec la réforme, il s’agit de remplir un tableau quelque peu différent (voir rubrique « rendez-vous de carrière ».)

Jusqu’ici, on était inspectés une fois tous les 5 à 10 ans, sur une heure de cours. Mieux valait être au top ce jour-là ! Une pression énorme donc, car en une heure il fallait démontrer que tu étais un prof exemplaire, à tous points de vue. Ce qui se profile consiste en trois entretiens sur l’ensemble de la carrière (donc moins souvent qu’auparavant) : au bout d’environ 8 ans, 12 ans, et 20 ans d’ancienneté. Parmi les critères d’appréciation : « maîtriser les savoirs disciplinaires », « évaluer les progrès et les acquisitions des élèves », « coopérer au sein d’une équipe » et « avec les parents d’élèves »… Dans les collèges et lycées, le principal ou proviseur devra lui aussi donner son appréciation. À chaque critère sera associée une appréciation. L’inspecteur pourra cocher les cases « à consolider », « satisfaisant », « très satisfaisant », ou « excellent ». Tout ceci est développé dans la rubrique « l’avancement et les rendez-vous de carrière ».

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Bien que les enseignants soient censés exercer par vocation, il n’en demeure pas moins que la paye est un élément important de leur carrière. Or, on le sait, les profs de France sont mal payés. C’est pourquoi les évaluations revêtent un intérêt capital. Les augmentations de salaire en dépendent, et sont suffisamment rares pour engendrer une certaine pression.



C’est pourquoi mieux vaut entretenir de bons rapports avec les chefs. S’ils t’ont à la bonne (principal/proviseur ET inspecteur-trice), tu auras accès non seulement à un salaire plus attractif, mais aussi à diverses responsabilités.

Par exemple, un chef d’établissement peut te proposer d’être référent de tel ou tel domaine (culture, médias, informatique, décrochage scolaire…), ce qui te demandera plus de travail mais arrondira un peu tes fins de mois. De même, l’inspection pourra te désigner comme formateur, soit en accueillant des stagiaires néo-titulaires, soit en devenant chargé de mission. Ces promotions te demanderont un fort investissement, mais tu pourras gâter tes proches à Noël.

Nous n’avons pas encore parlé de l’adjoint-e. Celui-ci ou celle-ci a un rôle essentiel également. Souvent, c’est lui/elle qui établit les emplois du temps. Un pouvoir immense ! Car un emploi du temps pourri peut te ruiner une année entière (voir rubrique « L’emploi du temps »). Là encore, mieux vaut que l’individu apprécie ton travail et ta personnalité si tu veux qu’il fasse un effort te concernant. Dans le cas contraire, tu pourrais bien le regretter amèrement.

L’organisation du travail des chefs se répartit différemment au sein de chaque établissement. On pourrait penser que les tâches se répartissent comme entre un président de la république et son premier ministre, mais en fait ce n’est pas le cas. Selon les affinités et les compétences particulières des chefs, leurs rôles sont fluctuants. Un principal ou proviseur très directif laissera à l’adjoint les tâches subalternes, tandis qu’un autre l’invitera à participer à toutes les décisions et répartira le travail sans distinction de statut. D’après ce que j’ai pu en constater, il n’y a pas de règles en la matière.

Bien entendu, il existe un référentiel des missions du chef d’établissement et de son adjoint, mais la « cuisine interne » est soumise aux aléas des personnes concernées.

Tu ne comprendras pas toujours les décisions et attitudes des chefs. Notamment concernant les sanctions disciplinaires. Mais il faut savoir que leur logique n’est pas la tienne, parce que vous ne faites pas le même métier d’une part, et que vous ne voyez pas les choses du même œil d’autre part. Exemple typique : un élève perturbe gravement ton cours. Tu prends la décision de l’exclure. Aucune conséquence négative pour toi, tu retrouves la sérénité nécessaire au bon exercice de ton métier. Ce même élève perturbe gravement la vie de l’établissement (violences envers les pairs et/ou les adultes, refus de travailler dans toutes les disciplines, etc). Tu te dis : il faut l’exclure de l’établissement ! Mais ton chef refuse de convoquer un conseil de discipline. Incompréhension. Révolte. Sentiment d’absurdité. Or le chef d’établissement dispose d’infos que tu ignores (par exemple, l’élève s’est fait virer 3 fois en six mois, et/ou a changé plusieurs fois de familles d’accueil ces dernières années, etc.), ce qui peut l’enjoindre à chercher d’autres solutions. De plus, il faut savoir que les chefs sont notés eux aussi. Et un établissement qui fait beaucoup de conseils de discipline est répertorié comme un bahut qui fonctionne mal. S’il fonctionne mal, c’est que le chef ne fait pas bien son boulot. Du coup celui-ci est mal noté. Et lui aussi a envie de gâter ses proches à Noël !

Trop souvent, la mésentente règne entre corps professoral et personnels de direction. Il n’est pas rare d’entendre des profs se plaindre vertement de leurs chefs, qui leur imposent des conditions de travail jugées inacceptables ou ont envers eux une attitude infantilisante. Un autoritarisme affiché est mal perçu, tout autant qu’un laxisme délétère. Et ne parlons même pas de ceux qui divisent pour mieux régner, car ils sont légion, hélas. Là encore, le juste milieu est la seule voie de salut, mais c’est une posture qui semble difficile à atteindre. Pourtant, je l’ai vue en œuvre chez plusieurs chefs d’établissement, qui avaient ce don de mener leur navire d’une main de fer dans un gant de velours. Justes, à l’écoute mais incorruptibles, humains sans sensiblerie, diplomates sans machiavélisme, ces chefs-là sont respectés, voire aimés, et fédèrent les troupes. Je te souhaite d’en rencontrer au cours de ta carrière, c’est un véritable délice d’exercer dans de telles conditions. Malheureusement, à en croire beaucoup de profs, de tels chefs se font de plus en plus rares et les politiques de management se trouvent contestées, le plus souvent. Or quand un conflit ouvert règne entre direction et enseignants dans un établissement, l’ambiance y est détestable. Ce qui n’aide pas à se motiver pour supporter le reste !

D’un point de vue psychologique, rappelons-nous que le chef d’établissement est un ancien prof, qui a passé ce concours de direction parce qu’il en avait marre des élèves et/ou voulait gagner plus et/ou avait envie d’impulser sa vision éducative à l’ensemble d’un établissement. Passer du statut de prof à celui de chef se fait de manière progressive : on est d’abord adjoint pendant quelques années avant de se voir confier la responsabilité d’un collège ou d’un lycée. Mais affirmer son autorité sur d’anciens collègues ne va pas de soi, surtout dans un milieu aussi fermé que l’éducation nationale. C’est pourquoi, à mon sens, nombre de chefs ont du mal à trouver la juste posture, celle qui les fera se sentir légitimes en tant que chefs tout en respectant, autant qu’avant, les enseignants. Toutefois, engager des personnes n’ayant jamais enseigné serait catastrophique, car il faut avoir été confronté pendant des années au métier de prof pour en comprendre toutes les contraintes.

Pour toi qui t’apprête à découvrir les joies de la hiérarchie scolaire, il sera plus facile d’adopter la bonne attitude si tu pars du principe que le chef ne t’est pas hostile à priori, mais n’est pas enclin à supporter tes jérémiades non plus. En tant qu’agent tu es sommé de respecter ses directives ainsi que sa personne. Cela ne veut pas dire tout accepter sans discuter, mais le faire en conservant courtoisie, neutralité et ouverture d’esprit évite bien des désagréments.

Terminons ce chapitre avec l’intendant-e. Il ou elle est en charge de tout ce qui concerne l’argent et le matériel dans l’établissement. Tu auras affaire à lui quand tu voudras organiser une sortie (pour la location du transport, le paiement des places, etc.), pour commander du matériel pédagogique spécifique, pour supplier qu’on répare ton vidéoprojecteur ou encore pour te fournir en tickets de cantine. C’est lui ou elle qui froncera les sourcils quand tu viendras chercher des feuilles pour la photocopieuse ou des feutres Velleda. Car l’intendant a une tâche difficile : il doit faire du plus avec du moins. Les enveloppes budgétaires se réduisant de plus en plus et les besoins des établissements augmentant (du fait des nouvelles technologies, de l’insertion d’élèves handicapés, de l’augmentation générale des fournitures, etc.), il ne peut que serrer les cordons de la bourse. Il ne faudra donc pas en lui vouloir s’il te semble revêche : ainsi le veut sa fonction.

 

(Crédit photo : pixabay)

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