Les collègues : quelques stéréotypes

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Nous avons évoqué dans d’autres articles les stéréotypes d’élèves. Sache qu’ils ont leur corollaire chez les profs.

Dans tous les établissements que j’ai fréquentés, il y en a ainsi une grappe que l’on retrouve quoi qu’il arrive.

  • Le râleur. Il peut se décliner au féminin, mais j’ai remarqué que c’était souvent un homme, désolée de le dire. On le trouve dans toutes les disciplines, avec une certaine prédilection pour les sciences et techniques. Il n’est pas forcément vieux, pas forcément aigri, mais quoi qu’il arrive, il n’est pas content. Il peste après les réformes, après ceux qui ne les appliquent pas, après le manque d’organisation, après le rigorisme de certains, etc. Tout est prétexte à sa mauvaise humeur. Mais il possède souvent un humour pince-sans-rire très divertissant.

A éviter avec lui/elle : l’attitude béni oui-oui.

 

  • L’ultra-efficace. Ce phénomène peut se décliner au masculin, mais j’ai remarqué que c’était souvent une femme, désolée de le dire. On la trouve dans toutes les disciplines, avec une certaine prédilection pour les sciences humaines (lettres, langues, histoire…). Cette personne fait en deux minutes ce que vous abattez péniblement en deux jours. Elle a des pochettes de couleur pour chaque chose, des étiquettes, des post-it parfaitement alignés, et si vous avez besoin d’un renseignement, c’est à elle qu’il faut demander : gain de temps assuré. Elle est toujours fraîche et dispose bien que participant à tous les projets de l’établissement, elle ne se plaint jamais de ses copies, connait les textes officiels sur le bout des doigts, apporte des gâteaux qu’elle a confectionnés le matin même (à 5 heures). Bref, elle est très agaçante à force de se montrer aussi parfaite.

A éviter avec elle/lui : essayer de prendre sa place.

 

  • L’effacé(e). Homme ou femme, ce prof-là a sans doute rêvé d’une toute autre carrière mais tient plus que tout à la sécurité de l’emploi. Aussi silencieux qu’une ombre, on ne connait son nom ou son prénom qu’après bien des années, au hasard d’une réunion pédagogique. Il ne revendique jamais rien, ne répond que par monosyllabes, ne participe ni aux projets ni aux sorties, fait acte de présence aux conseils de classe. Il ou elle n’a pas l’air dangereux, mais ne vous y fiez pas : il/elle passe beaucoup de temps dans le bureau des chefs, et personne n’a jamais su pourquoi.

A éviter avec lui/elle : la familiarité.

 

  • Le ou la grande-gueule. L’effacé(e) a son exact contraire, bien plus remarqué. Il s’agit souvent d’un homme, siècles de domination masculine obligent. Celui-là, au début, on l’entend partout, tout le temps, et au bout d’un certain temps on ne l’entend plus. Parce qu’on ne l’écoute plus. Il ramène toujours tout à lui, vante ses mérites, étale son savoir et ses prouesses pédagogiques. Il peut se montrer finaud et commencer toutes ses phrases par « Ce n’est que mon avis mais… ». Il n’est pas forcément hors-classe mais il se comporte comme s’il avait inventé l’instruction, l’éducation, la pédagogie et l’art de (trop) faire durer les réunions. Au fond, il n’a pas confiance en lui et sur-joue en permanence, ce qui le pousse à adopter des positions radicales. A noter qu’il aime être représentant syndical. Souvent copain du râleur.

A éviter avec lui : l’amateurisme.

 

  • L’excentrique. On le trouve aussi bien dans la gent masculine que féminine, et dans n’importe quelle matière. Ce personnage ne se manifeste pas toujours pas une tenue vestimentaire hors-norme, il peut avancer masqué (au sens figuré, donc). Toujours en quête d’une innovation pédagogique, il/elle a à cœur de sortir des sentiers battus, de rendre ses cours ludiques et de se faire aimer de ses élèves. Ce à quoi il/elle ne parvient pas toujours, car lui/elle et l’autorité, ça fait douze. Très souvent à côté de la plaque, il fait perdre un temps précieux. Mais il/elle peut se montrer très attachiant(e).

A éviter avec lui/elle : se prendre au sérieux.

 

  • La commère. Comme son nom l’indique, c’est une femme. J’ai rencontré peu de ses homologues masculins. Celle-ci a adopté le rôle du « maître des chuchoteurs » de Game of Thrones : elle sait tout sur tout le monde. On ne sait pas trop comment elle s’y prend, mais elle connait l’histoire de chaque prof, de chaque agent, de chaque élève et des chefs. Et en fait profiter tout le monde. Elle est très avenante, voire même sympathique au premier abord. Mais ne vous y trompez pas : si vous avez envie de garder un minimum de dignité, gardez vos distances.

A éviter avec elle : les confidences.

Bien que l’éducation nationale soit réputée pour fonctionner de manière corporatiste, communément appelée « grande famille », tu verras que ce n’est pas toujours vrai.

Dans les petits établissements de province (400 à 500 élèves), l’ambiance est, en général, chaleureuse et conviviale. Il n’est pas rare d’être régulièrement convié à des festivités telles que repas pantagruéliques (auberge espagnole), soirée jeux de société ou encore crêpes party. Le pot de fin d’année y est le plus souvent très festif, se terminant tard dans la nuit après avoir dansé jusqu’à plus soif. Les occasions de sorties étant limitées dans les zones rurales, l’établissement devient un lieu de rassemblement où l’on baguenaude de blagues en piques dans la plus pure tradition républicaine. Tout le monde se connait, est obligé de se supporter souvent pendant des années, donc on rend les choses plus agréables. Dans ce type de « bahut » – comme on dit en salle des profs – la solidarité joue à plein et si vous êtes malade, les collègues viendront assurément vous apporter des chocolats ou des encouragements. De même, si vous rencontrez quelques difficultés avec vos classes ou avec la hiérarchie, l’entité professorale fera bloc pour vous soutenir.

Dans les grands établissements (plus de 900 élèves), la chiquenaude est moins bien tolérée et les déguisements de carnaval assez mal vus. On peut avoir l’impression de travailler dans une usine sans comité d’entreprise. C’est d’ailleurs le cas : ne compte pas sur l’Education Nationale pour proposer des tarifs compétitifs sur des spectacles ou des voyages. Pas de ça ici[1].



Dans les grands établissements de centre-ville – soit par la taille, soit par la réputation – le thermomètre festif et solidaire avoisine le zéro absolu. Parfait pour les timides et les misanthropes. Pour les autres, mieux vaut prévoir du Lexomil et une bande de copains disponibles.

Nicole ne l’avait pas bien saisi. Dans le lycée prestigieux où elle exerce, la salle des profs bruisse de grommellements. Elle est en dépression nerveuse mais ne lâche pas son sacerdoce pour autant. Un jour, elle craque près de la machine à café. En larmes, elle crie qu’elle va se suicider. Personne ne se presse auprès d’elle pour quelques minutes de réconfort. Bien au contraire. Les uns murmurent que c’est la ménopause qui la travaille, les autres se contentent de reconnaitre qu’elle est fatiguée. Si Nicole s’ouvrait les veines et maculait la photocopieuse, les plus nombreux s’inquièteraient de la précieuse machine. La crème des intellectuels de la ville en question se concentre là, mais l’humanité semble avoir déserté. Ô rage, Ô désespoir, n’a-t-elle donc tant vécu que pour cette infamie ?

Nicole ne reviendra pas le lendemain, et personne ne se souciera de savoir si oui ou non elle a mis son projet à exécution. Ni les chefs, ni les collègues. Et quand elle ira voir la Direction des Ressources Humaines pour envisager une « seconde carrière », on lui expliquera que ce n’est pas si simple.

Bien sûr, il y a toujours des exceptions. De petits collèges où se rejoue quotidiennement Ko Lanta et des lycées haut de gamme où règne une ambiance bon enfant, ça existe. Mais, globalement, une règle implicite semble restreindre le facteur convivial au fur et à mesure que le nombre d’élèves croît et que s’éloignent les bosquets champêtres. Te voilà prévenu, alors n’oublie pas ton armure si tu vises les établissements chics.

[1] Il existe néanmoins le SRIAS, Section Régionale Interministérielle d’Action Sociale (SRIAS) qui propose parfois des tarifs intéressants sur des bungalows ou suggère des colonies de vacances pour tes bambins.

 

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